L’Orchestre du CNA et James Ehnes

À Kingston

2023-09-22 19:30 2023-09-22 21:20 60 Canada/Eastern 🎟 CNA : L’Orchestre du CNA et James Ehnes

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CNA en direct

Le concerto pour violon de Brahms est aussi serein que chantant, parfait pour le son brillant et la puissance expressive de James Ehnes, se produisant avec l’Orchestre du Centre national des Arts dirigé par Alexander Shelley. Avec la Symphonie n°3 de Schumann, cette performance à ne pas manquer donne le coup d'envoi de la saison 2023/24 d'Isabel.

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Isabel Bader Centre ,390 rue King ouest,Kingston,Canada
ven 22 septembre 2023
ven 22 septembre 2023
Diffusion en direct

Répertoire

ROBERT SCHUMANN

Symphonie no 3 en mi bémol majeur, op. 97, « Rhénane »

I. Lebhaft 
II. Scherzo: Sehr mässig  
III. Nicht schnell  
IV. Feierlich  
​V. Lebhaft  

Au début du mois de septembre 1850, Robert et Clara Schumann s’installent à Düsseldorf, en Rhénanie, pour permettre à Robert (1810-1856) de prendre son poste de directeur musical de l’orchestre et du chœur de l’Allgemeiner Musikverein. Peu après son arrivée, le couple se rend à Cologne où il visite la monumentale cathédrale gothique de la ville qui, en 1850, environ 600 ans après sa fondation, est en cours d’achèvement selon ses plans d’origine. Le monument fait une forte impression sur Robert et, comme le confirmera le violoniste Josef von Waiselewski, violon solo de l’orchestre de Schumann, devient une source d’inspiration pour sa Troisième symphonie (la quatrième qu’il écrit, en fait). Peu après son retour à Düsseldorf, Robert se met au travail. Quelques mois plus tard, le 6 février 1851, il dirige la création de l’œuvre au Musikverein, où elle est chaleureusement accueillie, avec suffisamment de succès pour mériter d’être rejoué un mois plus tard.

Parmi les œuvres orchestrales de Schumann, la Troisième Symphonie reste l’une des préférées du public pour ses qualités pittoresques, tout en étant admirée par les musicologues et les critiques pour l’approche distinctive de Robert à l’égard de la structure symphonique et du cadre formel. Son sous-titre, « Rhénane », bien qu’il ne soit pas de la main du compositeur, fait référence à la toile de fond qui a manifestement inspiré les aspects picturaux de la symphonie. En même temps, Schumann utilise le rappel et le développement d’éléments motiviques pour créer un sentiment de cohérence à travers les mouvements de la symphonie, d’une manière purement structurelle qui était jusqu’alors sans précédent. Cette méthode influencera considérablement la technique d’« expansion de la variation » qui caractérisera les symphonies de Johannes Brahms trois décennies plus tard.

Les cinq mouvements de la « Rhénane » se déploient comme une série de « peintures sonores » ou, comme le dit si bien le musicologue John Daverio, comme un groupe de tableaux dans une exposition organisée avec soin. Chaque mouvement offre un contenu dynamique qui est intérieurement unifié dans les limites de son « cadre », et qui est relié aux autres dans la « galerie » symphonique davantage par des allusions motiviques que par une progression narrative. Le mouvement d’ouverture semble dépeindre le début d’une grande aventure – il se lance immédiatement (sans introduction lente) dans un thème entraînant et exubérant, propulsé par des rythmes croisés énergiques. Les vents introduisent brièvement une mélodie gracieuse et sinueuse, avec une touche de mélancolie, mais l’énergie domine. Plus tard, dans la section centrale, le thème sinueux s’affirme au milieu de passages vigoureux. L’air entraînant revient bientôt, mais ce n’est pas encore la vraie reprise. Après la proclamation d’une version élargie de l’air à quatre cors, la musique atteint son apogée lors de la véritable récapitulation. Les thèmes principaux se poursuivent comme précédemment, et le mouvement, dont l’énergie ne faiblit jamais, s’achève en apothéose. 

Robert a d’abord appelé le deuxième mouvement « Matinée sur le Rhin »; la mélodie principale évoque peut-être l’écoulement du fleuve, qui ressemble davantage à une danse légère et délicate qu’à un scherzo vif-argent. S’ensuit une variation dans une figuration vive, après quoi une nouvelle idée mélodieuse dans le mode mineur est présentée par les cors, sur des cordes discrètes. D’autres réapparitions du thème mélodieux (sous une forme brillante et audacieuse) et de l’air sinueux des cors suivent, menant à une reprise complète du scherzo.

La fluidité se maintient dans le troisième mouvement, qui présente trois éléments principaux apparaissant d’abord successivement : 1) une mélodie chantante à la clarinette dont les intervalles bondissants font allusion au thème d’ouverture de la symphonie, accompagnée par des figures ondoyantes jouées par les altos; 2) un motif tout en délicatesse avec des phrases plaintives jouées par les violons et les cors; 3) une ligne descendante de caractère dévotionnel jouée par les altos et les bassons. Après le développement de ces deux derniers éléments, la mélodie de la clarinette revient, cette fois combinée avec les cordes délicates. Dans un acte de synthèse, les trois éléments apparaissent dans la coda, qui s’achève sur le motif tout en délicatesse aux accents plaintifs. 

Avant le finale, Schumann insère un remarquable quatrième mouvement. En novembre, alors qu’il travaillait sur cette symphonie, il était retourné avec Clara à la cathédrale de Cologne pour assister à l’élévation de l’archevêque Johannes von Geissel au rang de cardinal. Cette expérience se retrouve dans ce mouvement, qu’il avait initialement intitulé « À la manière d’une procession solennelle », bien qu’il l’ait ensuite remplacé par le mot « feierlich » (« solennellement »). Les bassons, trombones et cors entonnent un choral contrapuntique, auquel les vents et les cordes ajoutent leurs voix. Comme l’a décrit le musicologue Michael Musgrave, « la forme de la partie principale [...] ne suggère pas tant le drame d’un office que la métaphore d’un édifice : ses sections en développement et son fonctionnement ouvertement contrapuntique semblent suggérer la création des niveaux et travées successifs d’une immense structure », en effet, comme celle de la cathédrale de Cologne elle-même. 

Renouant avec la légèreté, le finale est un résumé inventif de tout ce qui a précédé. Plusieurs motifs – le premier thème extraverti, la fanfare des cors et un arpège ascendant des cors – font subtilement référence à ceux qui sont apparus dans les mouvements précédents : la figure tout en délicatesse du mouvement lent, la mélodie bondissante du premier mouvement et le premier thème du scherzo, respectivement. Dans la réexposition, une fanfare de cuivres en apothéose rappelle celles du quatrième mouvement, après quoi la musique s’accélère et se précipite vers une exubérante conclusion. 

Note de programme par Hannah Chan-Hartley (traduit de l’anglais) 

JOHANNES BRAHMS

Concerto pour violon en ré majeur, op. 77

I. Allegro non troppo
​II. Adagio 
III. Allegro giocoso, ma non troppo vivace 

La plupart des concertos pour violon du XIXe siècle que nous entendons dans les salles de concert de nos jours ont été écrits pour les plus remarquables virtuoses de l’époque (dans certains cas, la composition et l’interprétation étaient le fait d’une seule et même personne). Cependant, bien peu ont collaboré aussi étroitement que Johannes Brahms (1833-1897) et le grand violoniste hongrois Joseph Joachim (1831-1907) pour créer une œuvre sur laquelle l’interprète a laissé une empreinte aussi indélébile. À ce titre, le Concerto pour violon de Brahms reste un exemple unique du genre datant de cette époque, brouillant les frontières entre composition et interprétation, soliste et orchestre, concerto et symphonie.

En août 1878, alors qu’ils sont déjà amis depuis vingt-cinq ans, Brahms surprend Joachim en lui présentant le premier mouvement d’un concerto pour violon auquel il travaillait en secret, lui demandant de lui faire part de tout ce que le violoniste trouvera « difficile, maladroit, impossible ». Ravi, Joachim répondra : « La plus grande partie est jouable, une grande partie est tout à fait originale sur le plan violonistique; mais je ne peux pas confirmer si [l’œuvre] sera agréable à jouer dans une salle surchauffée, à moins de la jouer en entier. »

Au cours des mois suivants, ils travaillent ensemble sur le concerto, en personne et par correspondance, jusqu’à sa création, le jour de l’An, au Gewandhaus de Leipzig, avec Joachim au violon et Brahms sur le podium. Cette première tentative se révélera décevante : n’ayant reçu la partie de violon complète que quatre jours auparavant, Joachim n’était pas suffisamment préparé et Brahms était nerveux, tandis que le public s’est montré froidement poli et l’opinion critique, mitigée. Deux semaines plus tard, à Vienne, Joachim joue de nouveau le concerto (cette fois sous la direction de Joseph Hellmesberger) et obtient de bien meilleurs résultats, même si les critiques demeurent réservées. Tirant des leçons de ces interprétations, Brahms et Joachim continuent à peaufiner ensemble la partition, réglant des problèmes d’équilibre (par exemple en amincissant l’orchestration par endroits) et affinant les détails violonistiques, alors même que Joachim interprète régulièrement l’œuvre. En août, après une dernière consultation en personne (au cours de laquelle ils la jouent intégralement pour Clara Schumann), ils se mettent d’accord sur la version finale du concerto, qui est publiée en octobre.

Comme l’ont révélé plusieurs spécialistes, Brahms n’a pas seulement écrit son concerto pour violon pour Joachim, il l’a écrit avec lui. Il a consulté Joachim non seulement pour s’assurer que son écriture violonistique était d’un naturel idiomatique, mais aussi pour créer une partie soliste qui incarnait au mieux le style d’interprétation pour lequel le grand violoniste était vénéré. Au-delà de ses compétences techniques exceptionnelles, Joachim était célébré pour son attitude intransigeante à l’égard de la qualité musicale et de la fidélité à la partition originale. De plus, comme l’a découvert la musicologue Karen Leistra-Jones, il était particulièrement admiré pour sa « troublante capacité à présenter des œuvres musicales composées comme si elles étaient improvisées, créées sur place par une mystérieuse fusion entre Joachim lui-même et l’esprit d’où l’œuvre avait émergé ». Comme on pourra l’entendre, c’est cette qualité de spontanéité improvisée dans le jeu de Joachim que Brahms, en travaillant avec lui, a captée dans la partie de violon. Par ailleurs, l’orchestre n’est pas une simple toile de fond, mais il est façonné par des procédés symphoniques rigoureux, dans lesquels le solo de violon intervient et s’entrelace avec la trame musicale.

La tension entre ces deux univers expressifs est particulièrement palpable dans le substantiel premier mouvement du concerto. L’orchestre commence par l’introduction de plusieurs motifs importants : 1) une ligne arpégée descendante puis ascendante de caractère paisible; 2) des octaves robustes et audacieuses; 3) des phrases doucement sinueuses; 4) des rythmes rapides et affirmés qui conduisent à l’entrée du violon solo. Tout au long du mouvement, chacun de ces éléments revient et subit des transformations, tandis que le violon, de façon générale, rumine et ornemente ce matériau de manière libre et expansive. Dans la partie lyrique du second thème, le violon interjette un nouveau thème expressif qui ne figurait pas dans l’exposition orchestrale. Le conflit entre les deux univers s’intensifie dans la section du développement, mais culmine finalement dans un retour exubérant du thème d’ouverture pour la réexposition. Au point traditionnel de la cadence, Brahms a demandé à Joachim de créer la sienne, et ce dernier, fait à signaler, l’a écrite au lieu d’en improviser une (aujourd’hui, c’est sa cadence qui est encore la plus souvent jouée). Solide composition en soi, la cadence reprend tous les thèmes et motifs principaux du mouvement. À la fin, le violon réexpose tranquillement le thème d’ouverture, que la clarinette et le hautbois reprennent ensuite, tandis que le violon poursuit avec une sublime expansion qui l’amène à s’élever toujours plus haut. (Nous devons ce moment exquis au fait que Brahms a suivi le conseil de Joachim, qui lui suggérait de rendre sa conception originale du thème moins « inconfortable » pour le violon.) Peu à peu, le violon émerge de son idylle, fondant sa ligne dans des phrases d’improvisation fluides, après quoi l’énergie reprend le dessus et clôt le mouvement avec emphase.

Le concerto est complété par deux mouvements plus courts de caractères contrastés. Prolongeant l’« idylle » de la fin de l’Allegro, l’Adagio s’ouvre sur une magnifique mélodie entonnée par le hautbois solo. Comme dans le premier mouvement, le violon reprend le thème et l’approfondit, explorant à fond ses possibilités lyriques et émotionnelles. Après une section médiane rhapsodique, la mélodie réapparaît au hautbois, enveloppée par le violon. Les deux instruments poursuivent un tendre dialogue jusqu’à la sereine conclusion du mouvement. Le finale est un affectueux hommage à Joachim. Dans le « style hongrois » (mélange d’éléments musicaux hongrois et de la virtuosité fluide des interprètes roms), le violon se déchaîne pleinement dans ce rondo endiablé qui alterne des rythmes de danse rigoureux, des séries d’ornementations et des mélodies délicates et charmantes.

Note de programme par Hannah Chan-Hartley, Ph. D. (traduit de l’anglais)

Artistes

  • Chef d’orchestre Alexander Shelley
  • violon James Ehnes
  • Avec Orchestre du CNA